La première édition française du Nom de la Rose parut en 1982. Pour marquer le 40ème anniversaire de ce succès spectaculaire, les éditions Grasset republient le roman d'Umberto Eco dans une nouvelle édition augmentée. Les croquis et les notes préparatoires de l'auteur ainsi qu'une postface de son éditeur italien Mario Andreose complètent ainsi une réédition élégante de ce livre-culte, et permettent au lecteur de se faire une idée de la genèse du projet romanesque.
Un bref rappel de l'histoire : Dans une abbaye bénédictine située entre Provence et Ligurie, un moine est assassiné. Nous sommes en 1327, et c'est dans ce lieu voué au silence et à la prière, admiré de tout l'Occident pour la science de ses moines et la richesse de sa bibliothèque, que va se dérouler l'enquête de Guillaume de Baskerville. Cet ex-inquisiteur se voit prié par l'Abbé d'éclaircir au plus vite les raisons de la mort d'un de ses moines, retrouvé sans vie au pied des murailles. Et tout se jouera dans l'enceinte de l'abbaye pendant sept jours...
Traduit de l'italien par Jean-Noël Schifano.
Délia, la narratrice, a 45 ans quand on retrouve sa mère mystérieusement noyée. Entre le corps d'Amalia qui flotte dans la mer, à l'aube, et celui de Delia exposé à la violence d'une Naples au ciel plombé et aux rues hostiles, se déroule un thriller familial, sensuel et désespéré. Qu'est-il arrivé à Amalia ? Qui se trouvait avec elle la nuit de sa mort ? Pourquoi n'est-elle vêtue que de bijoux et d'un soutien-gorge neuf quand on la retrouve ? A-t-elle vraiment été la femme que sa fille imaginait, ambiguë et insatiable, prête à de secrètes déviations, capable d'échapper dans la ruse et la grâce à la surveillance obsédante de son mari ? Quels sont ces hommes qui entravent et révèlent le destin de Delia ? Les souvenirs et les fantasmes de Dalia se mêlent alors en une confession où les mots obscènes, la chair féminine, le sang s'expriment dans des gestes de répulsion et d'amour. Multipliant les rebondissements qui vous griffent le coeur, cette histoire, à l'ambiance nostalgique du Naples d'antan, explore les tréfonds des secrets de famille et les vérités qu'il faut parfois dissimuler.
«À Megara on met encore des oeillets au balcon, et les femmes portent des robes longues; c'est pour cette raison que la simple vision d'une cheville fait littéralement trembler les jeunes gens. Mais ceci arrive rarement, car elles sont prudentes et surveillées; et elles se surveillent elles-mêmes; et s'il pleut, elles préfèrent rentrer à la maison avec l'ourlet de leur robe maculé de boue que d'avoir les bas mordus par des regards chauds comme des baisers.»Admirables portraits de femmes prises aux pièges de l'amour, ces dix-huit nouvelles dessinent les contours de passions faites de promesses et de mélancolie. Avec les paysages lumineux de l'Italie en toile de fond, les femmes des Belles luttent pour échapper aux tragiques carcans de la famille, de la société, et de leurs amants, parfois au péril de leur vie.Dans cet ouvrage, Borgese, au sommet de la forme courte, célèbre les beaux alibis du coeur et l'universalité du mal d'aimer.
De Turin et Palerme à Paris, nous croisons des hystériques, des satanistes, des escrocs, un abbé qui meurt deux fois, des cadavres dans un égout, des jésuites complotant contre des francs-maçons, des confraternités diaboliques et des carbonari étranglant des prêtres. Nous assistons à la naissance de l'affaire Dreyfus et à la fabrication des Protocoles des Sages de Sion. Nous prenons part à des conspirations, aux massacres de la Commune et à des messes noires... Tout est vrai dans ce savoureux feuilleton, à l'exception du principal narrateur, Simon Simonini, dont les actes ne relèvent cependant en rien de la fiction. Trente ans après Le Nom de la rose, Umberto Eco nous offre le grand roman du xixe siècle secret.
Encore une fois, Umberto Eco a frappé un grand coup. La balade est étourdissante. Marie-Françoise Leclère, Le Point.
«À tous les lecteurs qui désirent quelque chose d'inouï; à tous les lecteurs passionnés, ennuyés, rassasiés, enthousiastes, passagers, frivoles, fidèles, s'adresse ce roman inclassable. ... Il faudrait quelque chose d'inédit, d'extraordinaire. Toi qui voyages tant, Daddo, pourquoi ne me procurerais-tu pas quelque chose de bien primitif, et même de l'anormal? Tout a déjà été découvert, mais on ne sait jamais... - Il faudrait les confessions de quelque fou, si possible amoureux d'une iguane, répondit Daddo sur un ton badin; et qui sait comment cela lui était venu à l'esprit... De cette conversation printanière et milanaise entre deux amis, l'un éditeur, l'autre, le héros, le jeune, riche et noble Aleardo, dit Daddo, architecte et acheteur d'îles, le destin se saisira pour la plus tendre, mystérieuse et cruelle des aventures. Quand Daddo aborde avec son yacht dans l'île inconnue d'Ocana, au large du Portugal, il ne sait pas quelle rencontre fatale l'attend au milieu de personnages qui semblent issus d'un autre siècle. Pris entre les pouvoirs de l'argent et les séductions de la nature, il va vivre, le temps d'une agonie, le plus fou des amours. Dans un style lancinant, vibrant de tragique et de drôlerie, A. M. Ortese jongle en virtuose avec la réalité et le rêve, et nous fait basculer d'un instant à l'autre du Paradis perdu à l'Enfer retrouvé. C'est Kafka dans L'Île au trésor; et le trésor de cette île est la fille du mal, Estrellita, céleste, diabolique servante...» Jean-Noël Schifano.
La moquerie de la virilité triomphante existe depuis bien longtemps, et elle a été notamment pratiquée par des hommes. Le romancier italien Luigi Malerba, dont Umberto Eco appréciait, tout autant que la modernité du style, le « mode malicieusement ironique » (La repubblica, 2009), en a fait tout un roman en 1973 dans Le Protagoniste (première traduction française chez Grasset en 1975). Et quel roman ! Et quel protagoniste ! Qui est-il, lui qui se promène avec toute son assurance sur le monde moderne et se raconte dans une prose saccadée, parfois rudimentaire, qui semble présager le parler des réseaux sociaux ? « Je suis le Centre Vital Générateur », dit-il. Malerba ne le nomme jamais, en laissant le soin, en bas de page, à des écrivains latins beaucoup moins prudes que l'Européen contemporain. Il ressemble aux obélisques, il ressemble aux campaniles, faits à son image. Il est... Il est...
Trois personnages mènent cette histoire qui raille ce que l'on appelait alors la phallocratie : le Protagoniste, le Patron, un radioamateur qui est son double, et Elisabella. Effréné, le Protagoniste conquiert Rome, en commençant par le « tunnel romain », qui passe sous le Quirinal. Outrageux, grossier, misogyne, jusqu'où ira-t-il ?
Jonglant avec les mots qu'aussi bien Malerba crée de toute pièce en défiant les règles de la grammaire, mordant, entre féerie et farce, Le Protagoniste est un opéra anarchiste qui défie les conventions sociales, religieuses et coutumières de son temps - mais encore du nôtre.
"Après Le nom de la rose, c'est le meilleur roman d'Umberto Eco " : Eugenio Scalfari, fondateur du quotidien La Reppublica, n'a pas de doute.
"... L'ombre de Mussolini, donné pour mort, domine tous les événements italiens de 1945 à, dirais-je, aujourd'hui, et sa mort réelle déchaîne la période la plus terrible de l'histoire de ce pays..." Est-ce le délire d'un journaliste d'investigation parano ?... Mais quand tout est vrai, où est le faux ?... En 1992, à Milan, un groupe de journalistes de fortune, cinq hommes une jeune femme, ayant tous plutôt raté leur carrière et leur vie, sont amenés à créer un journal de pressions et de chantages. Et, à force de fouiller dans les affaires passées pour mettre en pages le "numéro zéro", l'avenir leur saute à la gorge. Après un premier assassinat, c'est Colonna, rédacteur en chef, écrivain fantôme et traducteur, qui raconte. Mensonges éhontés, insinuations délatrices, complots historiques et vraies tueries. A l'échelle d'un pays et du monde. Stratégies de la désinformation, de la manipulation et de la tension. Banalisation du crime, confort de l'illégalité. Umberto Eco nous donne ici un roman serré (comme on le dit d'un café), la tragédie burlesque de notre temps.
Fables de la dictature est le tout premier livre publié par Leonardo Sciascia, en 1950. Il est composé de 27 brefs textes poétiques, fables à la manière d'Esope, avec une morale, dont les protagonistes sont des animaux. Plusieurs de ces textes avaient paru dans la même revue où Sciascia avait signé la nécrologie de George Orwell intitulée « Bien avant 1984 est mort George Orwell » (les fables de Sciascia font penser terrriblement à La Ferme des animaux d'Orwell).
À sa parution, Fables de la dictature est salué par Pier Paolo Pasolini qui en fait la recension dans le journal La Libertà d'Italia (cet article de Pasolini figure à la fin de notre volume). Comme le notait le traducteur Jean Noël Schifano dans le numéro de la revue L'Arc (1979) consacré à Sciascia : «Dans une Italie libérée depuis peu du fascisme à visage découvert, dans une feuille qui porte en son titre le mot «liberté», les deux écrivains italiens les plus libres des derniers lustres de ce siècle se rencontraient pour la première fois. Depuis cet article, si fin, si clairvoyant, si divinatoire, dirais-je, les deux «hérétiques» ne se sont plus quittés au cours de leur cheminement parallèle, pour, l'art au poing, témoigner. Donnant conscience et dignité et ferveur à la partie la meilleure d'une Italie plus pourrie que jamais dans sa classe dirigeante; donnant au monde l'exemple, rare aujourd'hui, de deux têtes libres.» Ces fables, d'une finesse acérée, sont des allégories transparentes et pointues qui dénoncent les horreurs de la dictature fasciste, qui était tombée depuis peu, et de toutes les dictatures et tyrannies, avec leur types et archétypes sinistres et grotesques. D'une actualité terrifiante.
«Tuer était donc si facile ? Un seul instant il s'arrêta dans sa course pour jeter un coup d'oeil derrière lui : dans la longue rue éclairée par de rares réverbères il vit, étendu par terre, le corps de cet Antonio dont il ignorait jusqu'au nom de famille...» À travers l'assassin de la via Belpoggio, ou à travers les réflexions de Zeno Cosini, Svevo évoque la situation si difficile de l'homme, lourd de son passé et inquiet de son avenir. Finalement, seul Umbertino connaît la joie car il est «encore en dehors de ces questions d'âge».
Du 19 janvier au 30 juillet 1938, Elsa Morante a reporté ses rêves sur un cahier d'écolier.
Dans son état cruel, tendre et émouvant, le manuscrit trouvé après la mort de son auteur est bien un journal intime à l'érotisme perlé, mais d'un genre plus unique que rare : il est fait de rêves, il n'est pas le fruit de veilles mais de sommeils, il n'est pas diurne mais nocturne. Une matière première qui est un document exceptionnel, en soi d'abord, et puis en reflet viscéral de toute l'oeuvre d'Elsa Morante, cette biographie à peine déguisée d'elle-même et de notre siècle.
J. -N. S.
La ville de Milan, son histoire, ses monuments, ses musées, ses places, ses habitants, célèbres ou inconnus, sont ici les prétextes choisis par Savinio pour illustrer ces lignes du préambule qui ont valeur de manifeste : " Dans l'ambition de faire "une oeuvre", il y a encore de la puérilité.
Une fois cette puérilité comprise et dépassée, on n'écrit de livres, si on a encore envie d'écrire, qu'en forme de longue et tranquille conversation. " Songeur et précis, Savinio porte ici à son point extrême de perfection cet art de la digression qui le caractérise, et qui n'est possible que lorsqu'on possède, comme lui, une mémoire amoureuse et attentive à renouveler, à la moindre occasion, quelque pensée impérissable, une sentence ou un bonheur oublié.
A établir aussi les affinités reliant les oeuvres et les coutumes des hommes, et à souligner, à travers les siècles, les variantes de l'Esprit. Aussi, dans sa promenade milanaise, à chaque coin de rue, à la vue d'une façade ou d'une statue, sa vaste culture - nourrie surtout d'Héraclite, de Platon, de Lucien de Samosate, de Voltaire, de Beethoven, de Stendhal, d'Achim von Arnim, de Nietzsche - s'éveille, créant tout un réseau d'échos autour de chaque sujet et de chaque thème.
Et, touche après touche, la ville - contemplée pour la première fois dans son intégralité, juste avant les bombardements de 1943 - surgit à chaque page pour s'effacer aussitôt ; car, si l'auteur parle de son architecture, c'est toute l'architecture italienne qu'il passe en revue, et, s'il commente les tableaux de ses musées, c'est toute la peintre qui défile, tels Cimabue et Giotto qu'il analyse par rapport au cubisme et à Paul Klee.