« On pourrait commencer prosaïquement par ce qui peut être décrit comme une robe de chambre. Rouge - ou plus exactement écarlate - et allant du cou jusqu'à la cheville, laissant voir des ruchés blancs aux poignets et à la gorge... Est-ce injuste de commencer par ce vêtement, plutôt que par l'homme qui le porte? Mais c'est ainsi représenté et ainsi vêtu que nous nous souvenons de lui aujourd'hui. Qu'en eut-il pensé? En aurait-il été rassuré, amusé, un peu offusqué ? » « L'homme en rouge », peint par John Sargent en 1881, s'appelait Samuel Pozzi. Né à Bergerac en 1847, il allait vite devenir à Paris LE médecin à la mode, particulièrement apprécié des dames de la bonne société en tant que chirurgien et gynécologue. Beaucoup d'entre elles, dont Sarah Bernhardt, étaient aussi ses maîtresses et le surnommaient « L'Amour médecin ». À travers sa vie privée, pas toujours heureuse, et sa vie professionnelle, exceptionnellement brillante, c'est une vision en coupe de la Belle Époque qu'on va découvrir sous le regard acéré de Julian Barnes. Il y a d'une part l'image classique de paix et de plaisirs et, de l'autre, les aspects sombres d'une période minée par l'instabilité politique, les crimes et les scandales. Un grand récit.
Elle se tenait devant nous sans notes, ni livres, ni trac. Elle laissa son regard errer, sourit, immobile et commença:«Vous aurez remarqué que le titre de ce cours est Culture et civilisation. Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous bombarder de graphiques et de diagrammes. Je ne vais pas vous gaver de faits comme on gave une oie de maïs... Je m'adresserai aux adultes que vous êtes sans nul doute. La meilleure forme d'éducation, comme les Grecs le savaient, est collaborative. Nous pratiquerons donc le dialogue... Mon nom est Elizabeth Finch. Merci.»Et Neil, le narrateur de ce roman d'amour pas du tout comme les autres, la trentaine, comédien sans beaucoup de succès s'éprend aussitôt de cette enseignante, largement cinquantenaire en «sachant obscurément que pour la première fois sans doute, j'étais arrivé au bon endroit».Mais qui est vraiment Elizabeth Finch? Mystérieuse, indéchiffrable, on ne sait rien de sa vie. Que découvrira Neil, toujours amoureux, vingt ans plus tard, quand il héritera de ses papiers personnels? Pourquoi en revenait-elle sans cesse au personnage de Julien l'Apostat, l'empereur romain qui n'alla jamais à Rome et qui, s'il n'était pas mort à trente et un ans aurait peut-être modifié le cours de l'Histoire en voulant renoncer au christianisme pour revenir aux dieux païens d'autrefois?Oui, qui était réellement Elizabeth Finch? Et Julian Barnes nous donnera-t-il des réponses dans ce roman autour d'un amour si étrange et si romanesque?
Indienne par sa mère, américaine par son père, Karina n'a pas trouvé d'équilibre dans sa double origine. La mort accidentelle du petit frère qu'elle aimait tant, puis le divorce de ses parents qui n'ont pas supporté ce drame, finissent par lui faire perdre pied.
Entrée à l'université, elle ne s'y sent pas à sa place, son pre mier petit ami la trompe... Bref, elle est prête à tomber dans les fi lets du séduisant et ténébreux Micah.
On connaît bien les techniques utilisées pour appâter une per sonne fragile et l'intégrer dans une secte sans qu'elle s'en rende compte. C'est ce qui arrive à Karina - et est admirablement décrit ici par Shilpi Somaya Gowda. D'abord le charme, puis l'emprise, puis le doute, l'inquiétude et finalement la peur, mais l'impossibilité de se libérer. Ce que Karina avait cru être une nouvelle « famille » va en fait devenir une terrible prison.
Après les succès de La fille secrète et d'Un fils en or, on re trouve ici tout le talent de la grande romancière indienne
Elles sont trois, ces dames de la famille Kimoto, avec leurs amours, leurs passions, leurs drames qui nous racontent le destin de la femme japonaise de la fin du 19e siècle à aujourd'hui.
Toyono, la grand-mère, incarne la tradition, immuable, ancestrale. Hana, sa petite-fille, figure centrale du roman, va se trouver déchirée entre le passé - un mariage arrangé, la soumission à son mari et à sa belle-mère, le carcan des obligations familiales et sociales - et ses aspirations personnelles.
Mère à son tour, elle devra affronter la génération montante en la personne de Fumio, sa fille qui, après de violents conflits, saura prendre des temps anciens et des temps nouveaux ce qu'ils ont de meilleur.
Il y a dans ce très beau roman un souffle de vie, une émotion contenue mais réelle qui ne se dément jamais. Au Japon, il s'est vendu à trois millions d'exemplaires.
L'inspecteur Manchego approcha le smartphone dernière génération de son oreille, en retenant sa respiration. Il entendit une voix nasale, sur un bruit de fond rythmique, une sorte de lamentation ou de prière, et les accords d'une guitare. Il ne comprit pas un traître mot de ce que disait l'interlocuteur- c'était en anglais-, mais il devina qu'il ne s'agissait pas d'un appel au secours, on n'y sentait aucune peur.
- Qu'est-ce qu'il dit ? demanda-t-il. - Textuellement : "Papa, laisse-moi faire. Je maîtrise la situation." En bon Espagnol, l'inspecteur Manchego a tout de suite identifié d'où provenait le message : d'une boîte de flamenco. Pas de quoi s'alarmer, donc, quand un riche éditeur londonien, flanqué d'un interprète, vient, très inquiet, lui annoncer que son fils, la trentaine, bien sous tous rapports, a disparu à Madrid depuis plusieurs semaines, après ce dernier fameux appel.
Enlevé ? Séquestré ? Blessé ? Tué ? Mais non, il y a forcément une femme là-dessous. En fait, surtout une exquise gitane aux yeux bleus - ça c'est curieux - et face à une tribu de Grenade au grand complet, le jeune Atticus a-t-il la moindre chance ? Non, bien sûr... comme on va le voir au fil de ses irrésistibles aventur
Paul a 19 ans et s'ennuie un peu cet été-là, le dernier avant son départ à l'université. Petite ville, petite bourgeoisie, petites distractions. Au club de tennis local, il rencontre Susan - 45 ans, mariée, deux grandes filles - avec qui il va disputer des parties en double. Susan est belle, charmante, chaleureuse. Il n'en faut pas davantage pour les rapprocher... La passion ? Non : l'amour, le vrai, total et absolu. Les amants le vivront d'abord en cachette. Mais bientôt, le mari de Susan - une brute qui la bat - lui casse la mâchoire. Les amants s'enfuient et partent vivre à Londres : Susan a un peu d'argent, Paul doit continuer ses études de droit. Le bonheur ? Oui. Enfin presque, car de nombreux obstacles l'en empêchent...
Peu à peu, Paul va découvrir que Susan a un problème, qu'elle a soigneusement dissimulé jusque-là : elle est alcoolique. Il l'aime, il ne veut pas la laisser seule avec ses démons. Il va tout tenter pour la sauver et combattre avec elle ce fléau. Mais lui, alors ? Sa jeunesse, les années qui passent et qui auraient dû être joyeuses, insouciantes ? Il a 30 ans, puis 31, puis 32. Un jour, Paul s'en va. Il tentera d'avoir une autre vie... Mais peut-être n'a-t-on qu'une seule vraie histoire d'amour dans toute sa vie - qui restera la plus belle, même si elle finit si mal.
Une histoire déchirante et des personnages terriblement attachants : Julian Barnes est au sommet de son art.
Anil est le fils aîné d'un riche propriétaire terrien à la tête d'un vaste domaine qu'il administre d'une main ferme. Normalement, Anil doit succé- der un jour à son père. Mais à la surprise de sa famille, il annonce, jeune encore, vouloir être médecin. Il doit donc partir étudier loin de chez lui, d'abord encore en Inde, puis plus tard, aux États-Unis, consécration su- prême croit-on autour de lui.
Curieusement sa redoutable mère ne s'oppose pas à la vocation de son fils chéri, ni à son éloignement du berceau familial. Au pays des mariages arrangés, elle souhaite bien sûr une union prestigieuse pour Anil. Or depuis qu'il est petit, elle l'a vu jouer un peu trop souvent avec Leena, la fille d'un pauvre métayer. Quand celle-ci est devenue une très belle jeune fille, il faut l'éloigner, s'en débarrasser, en la mariant à la va-vite à un homme qui se révèlera être un véritable tortionnaire pour sa jeune épouse.
Les destins croisés d'Anil et de Leena forment la trame de ce roman - lui en Amérique qu'il croyait être l'eldorado et où il se heurtera, au Texas, au racisme le plus violent. Et elle en Inde, où sa vie sera celle de millions de femmes victimes de traditions cruelles. Ils se reverront un jour, chacun prêt à prendre sa vie en main, après beaucoup de souffrances. Ils se rappro- cheront l'un de l'autre - mais auront-ils droit au bonheur ?
Londres, terminal 2 de l'aéroport d'Heathrow.Le vol est dans une heure. Il lève les yeux vers le panneau d'affichage pour repérer son comptoir d'enregistrement...Arrivé devant, il tend son passeport bordeaux à l'employée, ce passeport tant espéré, bénédiction, prière, qui peut sauver une vie, la créer, mais aussi l'ôter... Sans lequel il n'a aucun véritable foyer.Rongé par une longue dépression, Michael a décidé de tout quitter:sa prometteuse carrière d'enseignant, sa petite amie «intermittente», ses copains fidèles. À Londres où il a pourtant grandi, il ne se sent pas chez lui. Réfugié du Congo encore enfant, il n'a trouvé sa vraie place nulle part.Alors il s'envole, vers San Francisco, une ville choisie au hasard, où il ne connaît personne. Il a en poche toutes ses économies - 9021 livres - et a résolu de se suicider quand il les aura dépensées. Mais s'il existait un nouveau commencement au-delà de l'ultime solitude, une forme d'espoir au bout du bout du désespoir?
Devenu veuf, Shigezo est recueilli par son fils et sa belle- fille. Et c'est sur celle-ci, Akiko, que va reposer cette lourde charge, avec les problèmes concrets que cela implique. Mais alors que le vieil homme glisse vers une seconde enfance, elle découvrira qu'il symbolise peut-être l'amour le plus authentique, le plus désintéressé qu'elle ait jamais connu.
Le concierge m'a désigné l'affiche du bout de sa cigarette.Il était écrit:«Nous cherchons un vendeur de sapins. Vous êtes:consciencieux, responsable. Vous aimez être au grand air.» Elle était collée à un lampadaire et elle avait, en bas, des bouts de papier prédécoupés avec un numéro de téléphone. J'ai dit:«J'crois pas qu'on puisse décrocher un travail quand on a dix ans.- Non. Mais montre ça à ton père.» C'est bientôt Noël. Ronya, dix ans, et Melissa, seize ans, vivent avec leur père, qui les élève seul - un être plein de charme et de poésie qui adore ses filles, ses «étoiles», mais aime encore plus l'alcool et la fête. Après une très brève expérience en tant que marchand de sapins, il retourne à ses démons et elles doivent se débrouiller sans lui. Melissa reprend l'emploi qu'il vient de laisser tomber et qui n'a rien de la magie de Noël, dans le froid et la neige toute la journée. Ronya la rejoint pour vendre des guirlandes. Avec le risque que les redoutés services sociaux s'en mêlent...On pense, certes, à La petite marchande d'allumettes, mais cette histoire douloureuse est vue ici à travers le regard plein d'espoir et d'optimisme d'une enfant.
» Zoom Présentation Traduit de l'anglais par Jean-Pierre Aoustin Ceux qui veulent nier le passage du temps disent : quarante ans, ce n'est rien, à cinquante ans on est dans la fleur de l'âge, la soixantaine est la nouvelle quarantaine et ainsi de suite. Je sais pour ma part qu'il y a un temps objectif, mais aussi un temps subjectif. le vrai, qui se mesure dans notre relation à la mémoire. Alors, quand cette chose étrange est arrivée, quand les nouveaux souvenirs me sont soudain revenus, ça a été comme si, pendant ce moment-là, le temps avait été inversé. Comme si le fleuve avait coulé vers l'amont.
Tony, la soixantaine, a pris sa retraite. Il a connu une existence assez terne, un mariage qui l'a été aussi. Autrefois il a beaucoup fréquenté Veronica, mais ils se sont éloignés l'un de l'autre. Apprenant un peu plus tard qu'elle sortait avec Adrian, le plus brillant de ses anciens condisciples de lycée et de fac, la colère et la déception lui ont fait écrire une lettre épouvantable aux deux amoureux. Peu après, il apprendra le suicide d'Adrian.
Pourquoi Adrian s'est-il tué ? Quarante ans plus tard, le passé va ressurgir, des souvenirs soigneusement occultés remonter à la surface - Veronica dansant un soir pour Tony, un weekend dérangeant chez ses parents à elle. Et puis, soudain, la lettre d'un notaire, un testament difficile à comprendre et finalement, la terrible vérité, qui bouleversera Tony comme chacun des lecteurs d'Une fille, qui danse.
Il est difficile encore aujourd'hui de se représenter ce que pouvait être réel- lement la vie sous dictature communiste - en l'occurrence, ici, celle des artistes sous la férule stalinienne. Staline les surveillait de près : il fallait obéir, sinon.
Un trait de plume du tyran vous condamnait à mort. Et quand un des plus grands musiciens de l'époque, jusque-là plutôt en faveur, découvre un matin dans La Pravda un article qui le démolit, il sait que ses jours sont comptés.
Il s'agit de Dimitri Chostakovitch. On est en 1936. Et la question essen- tielle, cruciale, que pose ce nouveau roman de Julian Barnes, c'est : que fallait-il faire ? Et en corollaire, qu'est-ce que moi j'aurais fait ?
Le fracas du temps est bien un roman - même si tous les faits sont avérés :
Les hallucinantes conversations avec Staline, les comparutions devant des « juges » qui ne savent même pas lire une partition. On a beaucoup critiqué Chostakovitch d'avoir cautionné le régime, d'avoir été un « collabo ». Mais on ne doit pas oublier qu'il risquait sa vie mais aussi celle de sa femme, celle de ses enfants et celle de sa mère ! Un romancier peut aller plus loin que l'historien dans l'exploration de l'âme d'un immense artiste, un être complexe, attachant, qui se débattait comme il pouvait dans le chaos de son époque, en essayant de ne pas renoncer à « sa » musique.
Oui, que fallait-il faire ? Julian Barnes nous laisse trouver les réponses.
Si c'est une fille ? Elle s'appelle Louise, elle est née dans le Maine en 1978. Elle a les cheveux roux et porte des lunettes. Ses meilleurs amis sont les jumeaux Allie et Benny. Elle est « jolie » et « douce », on espère pour elle un bon mariage...
Et si c'est un garçon ? Il s'appelle Louis, il est né dans le Maine en 1978. Il a les cheveux roux et porte des lunettes. Ses meilleurs amis sont les jumeaux Allie et Benny. Il est l'héritier de l'usine de papier familiale...
La même vie, vécue par un garçon ou par une fille, est-elle vraiment identique ?
Julie Cohen, l'auteur des Inséparables, répond à cette question dans cette histoire étonnante, où le destin des personnages, en chapitres alternés, est bien différent selon qu'il s'agit d'une fille ou d'un garçon.
Ma vie, songeait Eleanor.
C'est étrange. Pour la seconde fois, ce même soir, quelqu'un lui parlait de sa vie. Et je n'en ai pas, se dit-elle. La vie ne doit-elle pas être une chose qu'on peut manier et présenter ? Une vie de soixante-dix ans. Mais je ne possède que le moment présent... Des millions de choses lui revenaient en mémoire. Des atomes dansaient séparément puis s'aggloméraient. Mais comment pouvaient-ils composer ce que les gens appellent une vie ? A partir d'Eleanor Pargiter, son personnage central, Virginia Woolf nous conte dans Les années (roman longtemps introuvable et aujourd'hui réédité) l'histoire d'une famille anglaise sur trois générations, de 1880 à 1936.
En une suite d'épisodes très soigneusement choisis, tournant lentement tels les rayons d'un projecteur, les jours, les semaines, les années défilent. Les Pargiter évoluent dans un milieu social bien défini, autour d'eux le monde évolue, plus vite, peut-être, que jamais auparavant, les valeurs spirituelles changent, ce que Virginia Woolf ressent profondément - tout en s'attachant à marquer la différence entre le temps, tel qu'il se mesure aux horloges, et la durée, telle que notre âme l'éprouve.
Car notre unique possession n'est-elle pas l'instant présent ?
Cela faisait des mois qu'Elena savait. Ettore s'était laissé pousser la barbe, portait des chemises aux couleurs criardes, avait changé d'eau de toilette, ne la touchait plus... Le doute avait fait place à la certitude et elle s'était retrouvée au fond du puits où sombrent les femmes... Elle n'avait jamais pensé que son tour viendrait.Alors Elena s'en va. Laissant derrière elle, à Rome où elle vit, mari et enfants adolescents, elle part se réfugier dans la maison de campagne de son enfance, en Ombrie, pour réfléchir, faire le point sur sa vie.Mais si son coeur se brise, voilà qu'en même temps les éléments se déchaînent. Sur villes et campagnes brûlées par le soleil vont s'abattre des trombes de pluie. Les fleuves débordent, les routes sont coupées, des maisons emportées. Aux lourdes conséquences du réchauffement climatique semble faire lointainement écho le délitement d'un couple. Comment, quand le temps sera venu, affronter et sans doute réinventer un avenir?
Dans mon quartier habite une personne surnommée « la femme à la jupe violette ». On l'appelle ainsi car elle porte toujours une jupe de couleur violette... Régulièrement, à quinze heures, elle se rend à la boulangerie pour y acheter une brioche à la crème, puis traverse la galerie marchande pour rejoindre le parc tout proche. Là, elle va s'asseoir sur le banc le plus au fond, toujours le même, et déguste sa brioche en utilisant sa main comme soucoupe... Elle ne change absolument rien à sa routine.
Qui est donc cette mystérieuse femme qui ne s'adresse jamais à personne et obéit à un rituel immuable ? C'est ce qui semble obséder celle qui l'observe constamment à la dérobée, la suit partout dans ses allées et venues, toujours de loin, sans chercher à lui parler, une femme au « cardigan jaune » cette fois ? Qui sont-elles ? Comme la première paraît ne pas avoir de travail, la seconde dépose sur son banc attitré des petites annonces intéressantes, puis va jusqu'à la porte de son appartement laisser des échantillons de produits de beauté pour qu'elle soigne mieux son apparence. Pourquoi tant d'attentions portées à une inconnue ?
Mais est-ce vraiment une inconnue ? Et va-t-il falloir que se produise un drame pour que - peut-être - le voile se déchire enfin ?
Isaac Bashevis Singer nous raconte ici ses souvenirs d'enfance dans la Varsovie juive d'autrefois. Son père, rabbin, était juge et arbitre des petits et des grands problèmes qui se posaient quotidiennement au sein de la communauté. Tout se passait dans le minuscule appartement des Singer, entre le bureau encombré de livres et la cuisine où régnait Bathsheba, la mère au regard perçant et au solide bon sens. À n'importe quel moment on entrait pour discuter, se plaindre, crier, pleurer, demander conseil ou simplement bavarder un peu. Dans l'embrasure de la porte, un petit garçon écoutait avec passion, ignorant que ce qu'il entendait deviendrait la matière même d'une des plus grandes oeuvres littéraires du XXe siècle. Au tribunal de mon père, enfin réédité, nous en donne toutes les clés et en contient les racines les plus profondes.
Au début, il y a eu deux couples, qu'a priori tout séparait : d'abord Kavita et Jasu, deux pauvres paysans indiens pour qui la naissance d'une fille est une catastrophe, au point que, la mort dans l'âme, la jeune mère confie son bébé à un orphelinat. Ensuite, de l'autre côté de la terre, aux Etats-Unis, il y a Somer et Krishnan, médecins tous les deux, elle américaine, lui indien, qui ne peuvent pas avoir d'enfant. Ils vont donc décider d'adopter une petite fille en Inde - qui sera celle de Kavita. A Asha, si jolie, si gâtée, ils vont donner amour, excellente éducation, avenir. Mais celle-ci va vouloir un jour connaître ses origines, ses racines. Sa quête ne sera pas facile...
En 2000, à Kaboul. Le gouvernement islamique impose sa férule à la population, pratiquement tout est interdit, journaux, distractions, jeux, etc. Mais voilà qu'il annonce vouloir promouvoir le cricket, pour prouver à ses opposants que l'Afghanistan peut aussi être une nation sportive. La meilleure équipe ira se perfectionner au Pakistan - ce que certains voient tout de suite comme une possibilité de s'enfuir.
Mais il faut d'abord connaître les règles du cricket et s'entraîner. Bien sûr, c'est strictement interdit aux femmes. Or la jolie Rukhsana a joué autrefois en Inde... Au prix d'incroyables ruses, subterfuges et déguisements, elle va mettre sur pied une équipe composée de son frère et de leurs cousins, tous bien décidés à se libérer du joug des talibans. Y parviendront-ils et que risque-t-il d'arriver à Rukhsana l'intrépide, la rebelle ?
Car elle court de grands risques. Un des chefs taliban a jeté son dévolu sur elle et se déclare prêt à l'épouser, ce qui bien sûr fait horreur à la jeune fille. Mais comment lui échapper ? Et comment sortir, même déguisée en garçon pour entraîner son équipe, faire dire qu'elle est partie en province assister à un mariage et se cacher dans la cave - et cela tous les jours ou presque...
Timeri N. Murari a longuement enquêté à Kaboul pour nous donner ici un tableau sans concession de la pire époque de la domination des talibans ? Mais - et heureusement... - il sait aussi nous faire rire de certains aventures de la merveilleuse Rukhsana.
Un formidable récit d'aventures où tout pourrait avoir été vrai.
Et Neel a beau avoir étudié aux Etats-Unis et être devenu un brillant anesthésiste dans un grand hôpital de San Francisco, il n'échappera pas à un mariage arrangé - une tradition à peu près immuable en Inde. Au cours d'un bref voyage pour voir sa famille, le piège se referme et le voilà marié à Leila, qu'il n'a vue qu'une fois. Certes, elle est belle, douce, cultivée, intelligente - bien plus qu'il ne l'imagine -, mais il n'en veut pas. Il préfère, de loin, son explosive maîtresse californienne. Ce qu'il ne sait pas, c'est que Leila va attendre son heure et, sans bruit, sans drames, sans scènes, réserver à son mari bien des surprises.
Un très beau, très émouvant roman, qui a la particularité de commencer par la fin.
Ce jour-là, Robbie et Emily fêtent leur quarante- cinquième anniversaire de mariage et Robbie ses quatre- vingts ans.
Une si jolie famille, un fils, des petits-enfants, un amour sans faille... Mais pas sans ombres. On va découvrir peu à peu qu'en fait, ils ne sont pas mariés. Pourquoi ? Que leur fils - qui l'ignore - a été en réalité adopté, et dans des conditions plus que troubles. Pourquoi ? Qu'ils ont eu chacun une autre vie, autrefois, et ont dû rompre avec leur passé et leurs familles. Pourquoi ?
En remontant dans le temps, on découvrira l'incroyable secret de Robbie et Emily.
Le sourire de Jean s'ouvrait grand comme les bras d'un ami chaleureux, c'était une belle maison à la porte ouverte qui vous invitait à entrer et vous enjoignait de rester longtemps. C'était le printemps après un long hiver...À la naissance, en voyant ses grandes mains, Papa avait dit:« Peut-être qu'il sera gardien de but, plus tard.» À quoi Mami avait répliqué:«Ou peut-être simplement qu'il saura s'accrocher. Il en aura besoin.» Et effectivement, le petit Jean va en avoir besoin.Réfugié du Congo avec ses parents, il va devoir affronter très tôt une vie difficile à Londres. Alors qu'à Kinshasa son père allait devenir médecin et sa mère institutrice, ils sont désormais l'un vigile le jour et homme de ménage le soir, assistante de cantine scolaire pour l'autre.Dans le très petit appartement, on héberge aussi à l'occasion d'autres réfugiés congolais - solidarité oblige - même si l'argent manque toujours.Et Jean s'accroche:il faut à tout prix réussir à l'école. Heureusement, il y a aussi les copains et les parties de foot... Mais au-dessus de cette turbulente et si attachante tribu, où personne n'a de papiers en règle, plane la menace de l'expulsion - décrétée comme le dit amèrement «Papa», «par des gens que nous ne connaissons pas et qui ne nous connaissent pas...»
Edith Wharton adorait la France et adorait aussi les voyages en voiture - dans le cas de ce « tour de France », en Panhard 15 chevaux, achetée à Londres par son mari Teddy. Le couple allait effectuer en fait trois virées successives, une en 1906 et deux en 1907 - la troisième fois en compagnie de Henry James. Elle en fait le récit en 1908, qui fut publié aux États-Unis, avec succès, mais curieusement n'avait jusqu'à aujourd'hui jamais été traduit en français. Evidemment, les Wharton ne conduisaient pas eux-mêmes, ils avaient un chauffeur, et les bagages arrivaient par chemin de fer, avec quelques domestiques, aux étapes les plus importantes. On voyageait avec style !
On se prend à rêver un peu quand Edith Wharton nous parle de l'extrême sentiment de liberté que lui donne le voyage en voiture. Les routes sont vides ou presque. On ne parle jamais de « bouchons » ou de problèmes de circulation. Nos touristes enthousiastes partent de Boulogne, filent vers Amiens, puis Beauvais, puis Rouen.
Ils admirent tout, les cathédrales, bien sûr, le paysage, les villages, et puis aussi les Français, leur civisme, leur élégance, leurs excellentes manières, leur bonne humeur et leur façon intelligente de profiter de la vie. C'est bien agréable à entendre.
On ne va pas faire la liste de tout ce qu'ils visitent - une mention particulière pour Nohant et la maison de George Sand, un régal de lecture. De chaleureuses appréciations sur la cuisine française, bien sûr. Mais aussi, tout le temps, partout, de très intéressants commentaires sur les monuments, sur l'histoire, sur la géographie. Les Wharton sont des francophiles extrêmement cultivés.
Un récit un peu carte postale ? Oui, certes, mais voyager en France, c'est cela aussi et même si Edith Wharton nous fait re-visiter ce que nous connaissons très bien, sa chaleur est communicative.
Une mention spéciale pour la merveilleuse préface de Julian Barnes.
Les hirondelles sont là. Elles sont de retour. Tu observes les nuages et au bout d'un moment, tu te rends compte que quelque chose est différent. Elles sont revenues...Eux aussi, ils volent depuis le petit matin, minuscules croix aux scintillements argentés. Les escadrilles sont de tailles différentes, en voici une immense. Le fermier, qui regarde le ciel à la jumelle compte à mi-voix. «Des Américains, dit-il, je crois que c'est des Américains.»Printemps 1945, les dernières semaines de la guerre. Dans cette ferme autrichienne isolée, le temps est comme suspendu. La vie quotidienne est scandée par le passage des avions alliés venus de l'ouest qui vont pilonner les routes, les usines et les villes. On sait aussi que de l'est arrivent les Russes. On ne peut qu'attendre, pris en tenaille...Surgissent un soir six soldats allemands qui exigent de bien manger, de la viande surtout. « Non, dit le fermier terrorisé. On est vendredi Saint, je ne peux tuer une bête, ni cuisiner...»Mais sous la menace - il a sa famille, dont cinq filles, à protéger - il va devoir s'exécuter. Et voilà ce qui aurait pu se passer ensuite, nous dit l'auteur, mais ce n'est pas ce qui est vraiment arrivé...