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Folio
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«J'allais mal ; tout va mal ; j'attendais la fin. Quand j'ai rencontré Victorien Salagnon, il ne pouvait être pire, il l'avait faite la guerre de vingt ans qui nous obsède, qui n'arrive pas à finir, il avait parcouru le monde avec sa bande armée, il devait avoir du sang jusqu'aux coudes. Mais il m'a appris à peindre. Il devait être le seul peintre de toute l'armée coloniale, mais là-bas on ne faisait pas attention à ces détails.
Il m'apprit à peindre, et en échange je lui écrivis son histoire. Il dit, et je pus montrer, et je vis le fleuve de sang qui traverse ma ville si paisible, je vis l'art français de la guerre qui ne change pas, et je vis l'émeute qui vient toujours pour les mêmes raisons, des raisons françaises qui ne changent pas. Victorien Salagnon me rendit le temps tout entier, à travers la guerre qui hante notre langue.» Alexis Jenni.
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«Il est quand même étrange ce sujet de l'amour : on y pense tout le temps et on n'y croit pas.»Lors d'un été de canicule, secoué par la crise des Gilets jaunes, un romancier veut croire qu'on peut encore écrire sur le grand amour. Et le vivre. Felice et Noé, une avocate et un dessinateur que tout semble séparer, l'entraînent alors dans le secret de leur couple : le goût du risque, la soif de désir et de beauté.
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«Jean-Paul Aerbi est mon père. Il a eu vingt ans en 1960, et il est parti en Algérie, envoyé à la guerre comme tous les garçons de son âge. Il avait deux copains, une petite amie, il ne les a jamais revus. Il a rencontré ma mère sur le bateau du retour, chargé de ceux qui fuyaient Alger.
Aujourd'hui, je pousse son fauteuil roulant, et je n'aimerais pas qu'il atteigne quatre-vingts ans. Les gens croient que je m'occupe d'un vieux monsieur, ils ne savent pas quelle bombe je promène parmi eux, ils ne savent pas quelle violence est enfermée dans cet homme-là.
Il construisait des maquettes chez un architecte, des barres et des tours pour l'homme nouveau, dans la France des grands ensembles qui ne voulait se souvenir de rien. Je vis avec lui dans une des cités qu'il a construites, mon ami Rachid habite sur le même palier, nous en parlons souvent, de la guerre et de l'oubli. C'est son fils Nasser qui nous inquiète : il veut ne rien savoir, et ne rien oublier.
Nous n'arrivons pas à en sortir, de cette histoire.»
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Le narrateur, Juan de Luna, est un jeune noble espagnol. Il raconte comment, avec cinq cents hommes de hasard, son patron Hernán Cortés a découvert et conquis le grand empire des Mexicas, dans une suite de prouesses que l'on croirait tirées d'un roman de chevalerie qui tourne mal. Cuba, début du XVI e siècle. Cortés est à l'affut d'informations concernant « l'île de Yucatan », dont on ignore s'il s'agit d'une grande île ou d'un continent. Il cherche au Nord l'équivalent du détroit que Magellan a trouvé au Sud, afin d'accéder aux fameuses Indes. En débarquant au Yucatan, il fonde la ville de Veracruz puis s'appuie sur les guerres entre les peuples indigènes pour détrôner l'empereur Moctezuma. La conquête espagnole est un génocide, le Mexique entier tombe dans la bourse de Charles Quint. Mais le roi se montrera ingrat et le retour de Cortés en Espagne sera douloureux. Alors que Pizarro triomphe en s'emparant du trésor des Incas, Cortés connaîtra une fin sans gloire, victime de la dysenterie dans une bourgade andalouse. Jamais il n'y eut plus grande aventure que celle-ci, et jamais il n'y en aura d'autre, car désormais le monde est clos, connu, fini. Servi par un style très enlevé, ce roman splendide et sanglant est aussi terrible que passionnant.